Polynômes et séries formelles
Polynômes et séries formelles
I Séries formelles
II Polynômes
I Séries formelles
I-1 L'anneau des séries formelles
I-2 Inversion, composition, dérivation
I-3 Quelques exemples
I-4 Récurrences linéaires à coefficients constants.
I-5 Les nombres de Catalan
I-1 L'anneau des séries formelles
Un polynôme
est simplement une façon commode de noter la suite finie
de ses coefficients. Si
est un autre polynôme, on définit leur somme et leur produit par
mais ces formules ne sont valables qu'à condition d'accepter la convention
pour
. En fait, les coefficients d'un polynôme ne sont pas les éléments d'une suite finie, mais ceux d'une suite infinie
à
support fini c'est-à-dire que l'on impose que les
sont nuls, sauf pour un nombre fini de valeurs de
. Si l'on s'affranchit de cette restriction, on arrive à un objet en un sens encore plus simple qu'un polynôme.
Dans la suite de ce chapitre, nous notons
un anneau commutatif quelconque, mais nous sommes surtout intéressés par les cas
,
,
ou
.
Ë toute suite
à valeurs dans un anneau commutatif
, on associe donc une
série entière formelle, notée
et on définit des opérations sur ces objets. Si
est une autre série entière formelle, leur somme
et leur produit
sont définis par
Pour tout élément
de
la suite de coefficients
et
pour
est associée à une série entière formelle que l'on note encore simplement
.
On dit que
est une
constante. On note
l'ensemble des séries entières formelles à coefficients dans
.
Théorème
Muni des lois ci-dessus, l'ensemble
des séries entières formelles à coefficients dans l'anneau commutatif
forme lui-même un anneau commutatif. Les éléments neutres de l'addition et de la multiplication sont les séries constantes
et
, et l'opposé de
est donné par
.
Démonstration
Il suffit de vérifier un à un les axiomes des anneaux commutatifs énoncés plus haut. Toutes ces vérifications sont immédiates. Nous traiterons seulement l'associativité de la multiplication et la distributivité. Soit donc
une troisième série. On a
et
Un anneau
est
intègre si l'équation
dans
implique
ou
.
Théorème
Si
est intègre,
l'est aussi.
Démonstration
Supposons
et
. La suite
n'est pas identiquement nulle. Il existe donc un entier
tel que
et
. De même, il existe
tel que
et
. Posons
. On a
puisque
est intègre. On en déduit que le coefficent de
dans
est non nul et
.
I-2 Inversion, composition, dérivation
Les séries dont le terme constant est 1 sont
inversibles:
Proposition
Si
est une série entière formelle dont le coefficient constant est 1, il existe une unique série
telle que
. Cette série sera notée
.
Démonstration
La condition s'écrit
et
pour
. La suite définie par récurrence par
{ pour \( n\gt 0 \right.$ERROR}
{array} .)
vérifie donc les hypothèses, et c'est la seule.
Contrairement à ce qui se passe pour les polynômes, il n'est pas possible d'évaluer une série formelle en en un point
. Par contre, il est possible
de composer les séries
et
, ce qui revient à évaluer
en
, à condition que le coefficient constant de
soit nul.
Proposition
Si
est une série entière formelle quelconque, et
est une série entière formelle dont le coefficient constant est nul,
il existe une série
et une seule, notée
ou
, telle que pour tout
soit le coefficient de
dans l'écriture de la série
pour tout
. On écrit aussi
.
On peut définir une dérivation. Si
on appelle
dérivée de
et on note
la série
On a les relations habituelles
Démonstration
Démontrons la deuxième égalité. On a
I-3 Quelques exemples
La série
est inversible. Il est facile de voir que son inverse est
plus généralement, si
, on peut écrire
On peut définir une exponentielle formelle dans
et un logarithme formel
et on a les relations
En effet, on voit facilement que
et
. On a donc
, ce qui donne
puisque le coefficient constant est 0. De même,
, donc
. Les coefficients
de
vérifient donc la récurrence
, ou encore
qui, compte tenu de
, donne
et
pour
, donc
.
Pour tout
et tout
, introduisons la
factorielle descendante
définie par récurrence par
et
.
Si
et
on peut définir
En effet, on a
. Les coefficients de
vérifient donc la récurrence
,
ou encore
qui, compte tenu de
, donne bien
.
Si
, la série est un polynôme, et on retrouve bien la formule du binôme.
On a alors la
Proposition
Démonstration
En utilisant la formule du binôme, on prouve
et on obtient la relation cherchée en substituant
à
.
Explicitons en particulier le cas de la racine carrée
En effet, le coefficient
peut s'écrire
en ``complétant la factorielle'' au numérateur par les facteurs impairs manquants
, d'où le résultat.
I-4 Récurrences linéaires à coefficients constants.
On peut utiliser les séries génératrices pour retrouver les résultats classiques sur les suites récurrentes linéaires à coefficients constants
Considérons par exemple la suite d'entiers définie par
,
et
pour
. On forme la série
Il s'agit d'une équation de degré 1 en
, que l'on résout:
en décomposant la fraction rationnelle en éléments simples, on obtient
et la formule finale
.
Dans ce cas, le
polynôme caractéristique
avait deux racines distinctes,
et
. Voyons ce qui se passe s'il a une racine double.
Définissons la suite
par
,
et
. Un calcul similaire donne
Cette dernière formule peut s'obtenir soit à partir de la formule générale pour
avec
, soit en remarquant que
est la dérivée de
.
I-5 Les nombres de Catalan
Nous concluons cette section par un théorème célèbre dû à Euler (1707-1783). Nous allons calculer le nombre
de chemins qui mènent du coin en bas à gauche
d'un carré de côté
au coin en haut à droite en suivant les côtés des carrés de côté 1, en allant toujours vers le haut ou vers la droite et sans jamais
monter au dessus de la diagonale principale du carré. La figure ci-dessous illustre les chemins acceptables pour
et prouve que
. On voit facilement que
et
, mais comment obtenir une formule générale ?
On voit que tout chemin acceptable commence par aller de
à
. Il refera contact avec la diagonale pour la première fois au point
. L'entier
est compris entre 1 et
. Combien y a t'il de chemins acceptables pour une valeur donnée de
? Juste avant d'atteindre
, le chemin venait forcément de
et entre les points
et
, il parcourt un chemin acceptable dans le carré de sommets
et
qui est de côté
. La figure représente un cas avec
et
.
Il y a donc
possibilités pour cette première étape. Entre
et
, il parcourt un chemin acceptable dans le carré de sommets
et
qui est de côté
. Il y a donc
possibilités pour cette deuxième étape. Le nombre de chemins possibles à
fixé est donc
et
on a établi la formule
qui permet de calculer les
par récurrence. On a donc
,
, etc.
Formons la série génératrice
. On a donc
en posant
. On reconnait sur la droite le développement de
. On a donc prouvé
ce qui est une équation du second degré en
. La résolution habituelle de l'équation
, de discriminant
donnerait
Le choix du signe
ne donne pas une série entière formelle. En utilisant la formule ci dessus pour
, on trouve
On a donc
et la formule
On pourrait objecter que la formule pour la résolution des équations du second degré n'a pas été démontrée dans le cadre des séries entières formelles.
Pour compléter le raisonnement, on peut partir de la solution proposée: la série
vérifie bien
. En soustrayant cette équation à
, on trouve
. Comme le facteur
n'est pas nul et
est intègre, on en déduit bien
.
Les nombres de Catalan ne comptent pas seulement des trajets dans un carré. On peut montrer que
est le nombre de façons de diviser en triangles un polygone convexe à
côtés, le nombre de façons correctes d'imbriquer
parenthèses ouvrantes et
parenthèses fermantes, le nombre d'arbres binaires pleins à
noeuds intérieurs, etc.
II Polynômes
II-1 Relations entre racines et coefficients
II-2 Polynômes symétriques
II-3 Les formules de Newton
II-4 Un exemple
II-1 Relations entre racines et coefficients
Soit
un
-uplet d'éléments d'un anneau commutatif
. On définit le polynôme unitaire
On peut encore utiliser la formule du produit en posant
et
. On trouve
ce qui suggère de regrouper les
de même cardinal
:
où
est le
-ième
polynôme symétrique élémentaire des
. Par exemple, pour
, en notant
,
,
et
plutôt que
,
,
,
, on trouve
II-2 Polynômes symétriques
Un polynôme de plusieurs variables est dit
symétrique s'il ne dépend pas de l'ordre des variables. Par exemple chaque
est une fonction symétrique
des
. En fait tous les polynômes symétriques s'obtiennent à partir de ces derniers, ce qui justifie leur nom.
Théorème
Pour tout polynôme
symétrique en les indéterminées
, il existe un polynôme
(et un seul) tel que
.
Démonstration
Nous allons prouver l'existence de
en énonçant un algorithme permettant de le calculer.
On peut ordonner les monômes
de la façon suivante:
vient avant
si et seulement si
, ou
et
, ou
et
et
, etc.
Tout polynôme
non nul a un
terme dominant
qui est le premier qui intervient avec un coefficient
non nul.
Si
est symétrique, on voit que ce terme vérifie
. On définit alors
Substituons
à
, puis développons en les
. On obtient un polynôme
symétrique en les
et un examen attentif montre que le terme dominant du polynôme
est le même que celui de
. Cela justifie l'algorithme suivant
Donnée: un polynôme f symétrique en n indéterminées
Sortie: un polynôme g satisfaisant à la condition du théorème
g <- 0
tant que f n'est pas nul faire
g <- g + s(f)
f <- f - t(f)
fin tant que
Il reste à voir que l'algorithme s'arrête. Cela est dû au fait que la suite des termes dominants est strictement décroissante au sens de l'ordre défini plus haut et que cet
ordre lexicographique est un
bon ordre dans lequel, comme dans
, toute suite strictement décroissante est finie.
Donnons un exemple du procédé. Nous prenons
et les variables
,
et
plutôt que
,
et
. On part du polynôme symétrique
présenté en ordre lexicographique décroissant. On a donc
et
, donc
On recommence donc avec une nouvelle valeur de
Le terme dominant est
et
, donc
On recommence donc avec une nouvelle valeur de
Le terme dominant est
et
donc
ce qui achève l'algorithme. Le polynôme obtenu est donc
et on obtient l'identité
II-3 Les formules de Newton
Nous allons donner une version explicite du théorème précédent dans un cas particulier.
Notons
la somme des puissances
-ièmes des
. C'est une fonction symétrique des
, que l'on peut donc exprimer en fonction des
. Il est en fait possible de calculer les
par récurrence grâce aux
formules de Newton:
Théorème
Pour
, on a
et pour
Démonstration
Partons de la relation de définition
dérivons-la
divisons membre à membre ces deux égalités
substituons
à
et chassons les dénominateurs en
Écrivons le développement en série formelle du premier membre:
L'identité ci-dessus peut donc s'écrire
ou encore
Le coefficient de
dans le premier membre est
La comparaison avec le second membre donne les formules de Newton.
On déduit de ces formules l'expression des
en fonction polynômiale des
:
mais cette expression explicite devient vite compliquée.
II-4 Un exemple
Le polynôme
a quatre racines dans
:
,
,
et
.
On a
On en déduit les sommes de puissances successives
et ainsi de suite. On remarque que cette procédure est en quelque sorte l'inverse de celle
concernant les récurrences linéaires à coefficients constants: au lieu de partir d'une suite
qui satisfait une récurrence linéaire et de trouver des
qui permettent d'exprimer
comme combinaison linéaire des puissances
-ièmes des
, on part des
et on trouve une récurrence linéaire satisfaite par la suite
.